Longtemps considérées comme l’or gris de la lagune de Thau, les palourdes sont en voie de raréfaction, un manque à gagner conséquent pour la pêche locale. En 2005, la production de la palourde locale se situait à 81 tonnes et se valorisait plus de 1,2 million d’euros. Depuis l’effondrement de l’activité, les professionnels ont demandé l’appui du Cépralmar (Centre d’étude pour la promotion des Activités Lagunaires et Maritimes) pour tenter de relancer cette activité. Plusieurs protocoles de réensemencement de palourdes juvéniles ont alors été initiés, mais aucun n’a donné de résultats économiquement mesurables. Une étude sur les paramètres environnementaux est en cours pour mieux comprendre les causes de la raréfaction/déplétion de cette ressource, réalisée par le Cépralmar en collaboration avec Ifremer.
Le projet FOREPAST propose une approche innovante de repeuplement de la palourde Ruditapes decussatus dans la lagune de Thau, afin de tester l’hypothèse conjointe d’une capacité d’accueil actuellement favorable pour cette espèce et d’un nombre insuffisant de géniteurs pour reconstituer une population exploitable. Cette approche comporte notamment une procédure de validation par un tracking PCR à partir des caractéristiques des géniteurs. Le dispositif mis en œuvre est également original par l’utilisation d’une technique peu coûteuse, car elle ne nécessite pas de pré-grossissement en bassin ou en pochon et parce que les œufs sont produits par des géniteurs présélectionnés dans des sites lagunaires proches. D’autre part, ils seront directement en contact avec le biotope dans lequel ils vont évoluer. L’adaptation et la résistance des larves qui auront survécu impliqueront potentiellement une augmentation des chances de survie jusqu’à l’âge adulte et une résistance face aux variations environnementales (malaïgue, pathologies, parasitisme, etc.).
D’autre part, ce type d’approche apparaît particulièrement bien adaptée pour des espèces peu mobiles et à sexe séparé dont le succès reproductif dépend directement des densités d’individus mâles et femelles et/ou de leur proportion dans le milieu naturel. Dans la région, d’autres espèces sont dans des cas comparables tel le biju ou violet (Microcosmus sulcatus) qui lui aussi s’est effondré.
Le projet se décompose en deux étapes qui sont accompagnées par le développement d’un système de gestion adapté.
- Étape de repeuplement :
- Sélection de géniteurs issus de sites lagunaires voisins de l’étang de Thau et caractérisation génétique de ces individus (pour les PCR) ;
- Induction de la reproduction en bassin ;
- Relargage des œufs dans le milieu après une sélection rigoureuse des sites de relargage en fonction des différents paramètres environnementaux ;
- Recherche des stades larvaires, post-larvaire, naissain de palourdes présents dans le milieu ;
- Identification des populations par « tracking environnemental » par la technique de la PCR-digitale sur les larves et post-larves par prélèvement d’eau dans les sites d’intérêt.
Deux issues sont possibles à ce stade :
- Preuve par PCR digitale (microsatellite) de l’existence de jeunes palourdes issues de l’ensemencement sur un ou plusieurs sites testés ; poursuite de l’étude en étape 2 ;
- Absence d’observation de jeunes palourdes issues de l’ensemencement.
Plusieurs opérations de repeuplement seront réalisées pendant 2 ans sur plusieurs dates durant la période de reproduction.
Cette étape s’achève soit avec la constatation de l’existence de jeunes palourdes issues de l’ensemencement dans certains ou la totalité des sites testés, ce qui permet de poursuivre sur l’étape suivante, soit par l’absence d’observation de jeunes palourdes qui clôture cette étape d’expérience.
Étape de suivi des populations :
La croissance de la palourde nécessite entre au moins 2 années avant d’atteindre une taille légale commerciale de 30mm. Ce projet va mettre en place les suivis nécessaires pour caractériser l’évolution des populations induites.
- Suivi des populations par « tracking environnemental » par la technique de la PCR-digitale ;
- Suivi des paramètres environnementaux (salinité, température, turbidité, oxygénation des sols, taux de recouvrement par les algues) ;
- Création d’un protocole de suivi de la ressource par les pêcheurs professionnels.
La mise en place d’une gestion durable :
La durée d’un cycle de repeuplement est souhaitée pendant 3 ans, il est donc indispensable d’accompagner parallèlement le développement de cette ressource par un système de gestion adapté qui sera co-développé avec les pêcheurs professionnels. Cette mise en place d’une gestion durable adaptée concernera en particulier :
- Création de zones de cantonnement de pêche (1 ou 2 zones) ;
- Création de mesures de gestion : mise en place d’une formation auprès des étudiants du lycée de la mer et une sensibilisation auprès des pêcheurs ;
- Mise en place d’indicateur de gestion.